Au départ, Joas van Oord ne savait pas comment il allait s’y prendre pour atteindre ses objectifs d’affaires « audacieux », mais une analyse minutieuse de sa production l’a mis sur la bonne piste.

Joas van Oord a découvert les avantages de la planification d’entreprise lors de ses études universitaires en économique, mais il en a réalisé toute l’importance lorsqu’il est retourné sur la ferme laitière familiale et a élaboré son propre plan d’affaires.

« Lorsque je suis revenu à la ferme, je faisais des farces sur la capacité de remplir un quota de 70 kilogrammes avec 50 vaches, dit-il. Ensuite, nous avons commencé à voir que des améliorations importantes avaient été apportées et je me suis dit : C’est plus que simplement possible. »

« Actuellement, je trais de 53 à 55 vaches et je remplis régulièrement un quota de 75 kilogrammes. »

Il va sans dire que ce n’est pas uniquement le plan d’affaires qui a permis à l’homme âgé de 32 ans et à sa conjointe Lisa de réaliser cet exploit, mais ce fut le point de départ. Joas, fraîchement diplômé, et Lisa ont voyagé et ont vécu en Colombie-Britannique avant de revenir en 2006 sur la ferme des parents de Joas, située à Springfield, au Nouveau-Brunswick, dans le but d’en prendre la relève. C’est également à ce moment qu’ils ont décidé de s’investir dans la Table de la relève agricole du Nouveau-Brunswick (New Brunswick Young Farmers’ Forum).

« Les jeunes agriculteurs parlent beaucoup de la nécessité d’avoir un énoncé de mission et un énoncé de vision et d’établir des objectifs, raconte Joas. Je me suis donc arrêté pour dresser un plan étalé sur cinq ans qui, à l’époque, me semblait assez audacieux. Ensuite, je me suis essayé. »

Racheter la ferme de ses parents Maarten et Caroline signifiait que la ferme devait générer plus de revenus et, à première vue, cette tâche semblait un défi de taille. Le coût des 15 kilogrammes de quota supplémentaires allait dépasser les 400 000 $. De plus, si Joas augmentait le nombre de vaches, il lui faudrait agrandir l’étable à stabulation libre construite en 1998, moderniser le système de traite et acquérir des terres supplémentaires.

Or, la « farce » de Joas cachait un élément très sérieux : lui et Lisa se devaient d’accroître la productivité d’au moins 25 %, sinon ils couraient le risque d’être endettés toute leur vie. Mais comment allaient-ils s’y prendre? Le père de Joas avait déjà augmenté substantiellement la productivité au cours des dernières années.

Le plan d’affaires n’avait pas de réponse à cette question, mais il renfermait une stratégie pour en trouver une. Joas a donc commencé à collecter des données sur la production et des données financières détaillées et à les analyser afin de déceler les points à améliorer. Bien qu’il soit un fervent adepte du vieil adage selon lequel « vous ne pouvez pas gérer ce que vous ne mesurez pas », il a été étonné d’être amené à remettre en question l’une des croyances fondamentales en agriculture : Plus les rendements sont élevés, mieux c’est.

« En agriculture, tout le monde vise les rendements, explique Joas. Nos rendements étaient très bons, si bien que nous vendions du foin chaque année ou nous louions des terres parce que nous avions trop de fourrages. Mais après avoir effectué un examen approfondi, nous nous sommes rendu compte que lorsque nous ensilions de bons fourrages, les vaches produisaient plus de lait et lorsque nous ensilions des fourrages trop mûrs, ce n’était pas le cas. »

Ce constat les a poussés à revoir leurs façons de faire.

« Modifier la gestion des fourrages a été une étape importante pour nous. Nous nous y sommes attaqué en nous disant : Laissons tomber la quantité et visons la qualité. Si les fourrages sont exposés à la pluie, ils n’iront pas dans le silo. S’ils sont trop mûrs, ils finiront en foin. »

Cette décision a suscité une foule de changements qui, loin d’être radicaux, ont tout de même eu des répercussions importantes. Auparavant, on attendait d’avoir une belle grosse récolte à faucher, ce qui signifiait effectuer une première coupe au cours des deux premières semaines de juin, et une deuxième en août. Actuellement, Joas et son père, qui travaille encore régulièrement à la ferme, commencent à faucher le plus tôt possible et ils le font « le plus rapidement possible sans briser la machinerie bien entendu ». Ils ont aussi commencé à cultiver du maïs et de la luzerne. Ils effectuent trois coupes de luzerne et d’autres plantes fourragères dans des champs situés à proximité de la ferme après avoir entendu dire que des agriculteurs réussissaient à faire une coupe par cycle de 35 à 40 jours.

Ces changements ont eu des répercussions appréciables sur la production de lait qui s’est accrue du tiers. De plus, grâce à un ensilage de meilleure qualité, Joas n’a pas eu à augmenter la quantité de grain qu’il donne à son troupeau (10 kilogrammes/vache/jour). Il convient également de noter que Joas est passé du 73e au 10e rang du classement provincial de la production de lait par vache. Il vise maintenant les trois premiers rangs.

Les répercussions sur le résultat net sont encore plus impressionnantes. Au cours des deux dernières années, Joas indique que ses bénéfices ont augmenté d’environ 20 %, ce qui représente une hausse supérieure à celle du producteur de lait moyen.

« Le prix du lait est établi selon les données sur le coût de production et seulement 46 % des producteurs couvrent leur coût de production, fait-il observer. En fait, une ferme, c’est comme n’importe quelle autre entreprise. Au bout du compte, pour que mon entreprise survive et se porte bien, je dois être bon premier sur le plan des bénéfices. »

Joas s’empresse d’ajouter qu’il ne s’estime pas meilleur que les autres, mais avoue qu’il a un avantage.

« Je crois que j’ai de la facilité pour déceler les bons coups des autres et les appliquer ensuite, dit-il. Je ne sais pas ce que vous allez en penser, mais de nombreux producteurs sont beaucoup plus habiles que moi. Donc si j’ai un problème, je vais m’informer pour savoir qui est le meilleur dans tel ou tel domaine, et puis je vais lui donner un coup de fil. »

Joas s’accorde deux options sur ce plan. Parfois, il cherche à obtenir les conseils d’un expert et parfois, à retenir les services d’un expert-conseil.

C’est une leçon qu’il a retenue après avoir participé à un séminaire présenté par Dick Wittman, le réputé producteur agricole et expert-conseil de l’Idaho qui se fait le défenseur de la pratique professionnelle de la gestion d’entreprise sur les exploitations familiales.

« M. Wittman disait : Ne travaillez pas vos faiblesses. Travaillez plutôt vos forces et engagez quelqu’un pour combler vos faiblesses. Cet après-midi-là a changé ma façon de pratiquer l’agriculture et je ne suis jamais retourné en arrière. »

Joas compte énormément sur son expert-conseil en productions végétales, son commis comptable et son comptable. Il embauche au besoin un expert-conseil en alimentation animale. Il souligne que son représentant des ventes d’aliments pour animaux est une bonne source de conseils tout comme la personne qui s’occupe du parage des onglons en lui fournissant de l’information précieuse sur la santé de son troupeau. Il fait partie d’un groupe de producteurs agricoles qui s’échangent des données sur la production et des conseils sur les façons d’améliorer la performance. Il continue de jouer un rôle actif au sein de la Table de la relève agricole du Nouveau-Brunswick, dont il assume actuellement la présidence.

La vie est trépidante, surtout lorsque l’on tient compte que Lisa et Joas ont quatre enfants âgés de moins de six ans. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il fait appel à des conseillers qui donnent leur point de vue sur ses façons de faire. Il ne veut pas être complimenté pour ses bons coups. Il souhaite plutôt qu’on lui dise ce qu’il pourrait faire pour s’améliorer.

« Je suis un éternel optimiste. Je pense toujours que tout va aller merveilleusement bien », confie-t-il.

« Aujourd’hui, même si on est encore en hiver, je peux vous dire que je m’attends d’avoir terminé ma première coupe le 5 juin. J’ai moi-même été surpris de la rapidité avec laquelle les choses peuvent changer. J’ai observé des améliorations dans bien des domaines. Tout peut survenir rapidement. »

Bien que le plan d’affaires y soit pour quelque chose, il ne faut pas négliger un autre élément de taille, ajoute Joas.

Si vous souhaitez obtenir de meilleurs résultats, vous allez devoir modifier vos façons de faire. C’est la partie difficile, dit-il, surtout lorsqu’il est question de modifier des pratiques établies de longue date, comme chercher à obtenir les meilleurs rendements possibles.

« Comme dans bien des cas, c’est la mentalité qu’il faut changer », conclut Joas van Oord.