Des chercheurs étudient l’impact du bétail sur les milieux humides intermontagnards, la végétation, la biodiversité et la sauvagine.
Il existe des milieux humides dénivelés un peu partout dans le parcours naturel des régions intermontagnardes de l’Ouest et dans les fondrières de la région des Prairies. Ces milieux humides sont très importants pour la production de fourrage, l’irrigation par inondation, la gestion de la qualité de l’eau et l’habitat faunique, particulièrement pour la reproduction de la sauvagine et des amphibiens. Des chercheurs de l’Université Thompson Rivers de Kamploops, en Colombie Britannique, souhaitaient mieux comprendre les effets du pâturage sur les milieux humides de l’intérieur-sud de la province. Les bovins peuvent perturber l’environnement des zones humides et rivulaires en éliminant le fourrage, en piétinant et en compactant le sol ainsi qu’en modifiant la microtopographie du terrain et la concentration de nutriments dans le sol.
« Nous avons lancé le projet il y a environ neuf ans en nous basant sur les résultats de recherches effectuées par Canards illimités Canada et le Service canadien de la faune, explique Lauchlan Fraser, professeur et titulaire de la chaire de recherche du Canada en écologie des communautés et des écosystèmes . Au cours des vingt dernières années, ces organismes ont recensé les couples d’oiseaux vivant au bord de centaines de bassins de la Colombie Britannique. Nous avons conçu ce projet afin d’ajouter un niveau d’information supplémentaire à ce précieux ensemble de données recueillies sur une longue période. »
Parmi les nombreux bassins observés, M. Fraser en a choisi 36 qui étaient représentatifs des différents niveaux d’utilisation par le bétail, allant du pâturage utilisé de manière intensive au pâturage jamais utilisé. L’objectif était de déterminer les effets du pâturage sur la végétation, la reproduction de la sauvagine et la biodiversité des marais et des prairies humides. M. Fraser souligne qu’il est important de comprendre les effets du pâturage sur la végétation afin de trouver un compromis entre les intérêts écologiques et économiques des milieux humides ainsi que pour préserver leur biodiversité et leur productivité.
La recherche a été réalisée selon une approche écosystémique. On a donc étudié les différences de végétation entre les marais et les prairies humides en plus de s’intéresser aux invertébrés aquatiques et à la reproduction de la sauvagine. « Le nombre de couples d’oiseaux est un bon indicateur, selon M. Fraser, mais le fait d’également dénombrer le nombre de couples en couvaison fournit plus d’informations sur la productivité faunique de l’habitat. Recenser les couples en couvaison est un peu plus compliqué et demande plus d’efforts puisqu’il faut faire plusieurs aller-retour entre les sites de recherche. » Des études de terrain et un système de modélisation innovateur ont été utilisés pour ce projet.
Les chercheurs ont terminé la collecte des données, mais nous sommes encore en train d’analyser les résultats. « De façon générale, nous avons conclu qu’il existe bel et bien une relation entre le pâturage des bovins et certains paramètres des écosystèmes en milieu humide, dit M. Fraser. La diversité et la qualité de la végétation sont étroitement liées à l’intensité du pâturage. Un pâturage plus intensif cause une réduction de la biomasse, une prolifération des mauvaises herbes et une diminution de l’abondance des plantes émergentes en milieu humide. Les effets du pâturage étaient plus importants dans les marais que dans les prairies humides. »
On a aussi remarqué que le nombre d’oiseaux aquatiques en couple ou en couvaison dépendait de la biomasse épigée et de l’abondance des plantes émergentes. Les résultats montrent qu’un pâturage intensif entraîne une diminution du nombre de couples d’oiseaux. Le pâturage a également un impact sur la population d’invertébrés aquatiques, laquelle nourrit la sauvagine, les amphibiens et d’autres espèces animales.
Stratégies de gestion pour le pâturage, la sauvagine et la biodiversité
« On ne recommande pas nécessairement que le bétail soit retiré de tous les milieux humides, dit M. Fraser, mais nous croyons qu’il est important de faire un effort pour protéger une partie importante des milieux humides et des bassins dénivelés. Les résultats démontrent qu’il existe un lien étroit entre la couverture végétale et les gros invertébrés dans les étangs. Si nous arrivons à protéger suffisamment de la zone humide pour nourrir la sauvagine, il y aura alors un équilibre entre le pâturage et les milieux humides. Un pâturage de faible intensité est beaucoup plus susceptible d’être compatible avec une gestion des milieux humides à des fins de conservation. On doit cependant pousser un peu plus les recherches avant d’établir un lien entre la courbe d’intensité du pâturage, le taux de chargement du bétail et le caractère saisonnier du pâturage. »
D’autres recherches ont démontré que le bétail accède généralement à un point d’eau en utilisant le point d’accès désigné si ce dernier est facilement accessible et résistant à l’érosion, sans qu’il ne soit nécessaire de clôturer l’endroit. Le fait de fournir au bétail un autre endroit pour s’abreuver et d’assurer l’accès à de bonnes zones de pâturage dans les hautes terres sont d’autres façons de réduire l’impact du bétail sur les zones riveraines et les étangs. Il est également important d’éviter d’aménager des chemins et des routes près de ces zones. Une autre option consiste à clôturer les zones les plus à risque de façon temporaire ou permanente.
« Nous travaillons également sur un projet qui utiliserait certains des résultats de notre recherche en milieux humides artificiels pour assurer le traitement de l’eau des étangs en milieu naturel, dit M. Fraser. Certaines plantes peuvent réduire les concentrations de nutriments plus facilement que d’autres. Il serait donc possible de créer des zones permettant de filtrer l’eau à même les milieux humides, comme des zones d’écoulement, par exemple.
M. Fraser étudie également d’autres projets semblables qui examinent les effets des changements climatiques et d’autres facteurs sur les milieux humides. « Au cours des dix dernières années, dit-il, le niveau de l’eau a baissé dans plusieurs des milieux humides dénivelés, probablement en raison de précipitations moins importantes et de problèmes liés à l’eau souterraine. En plus de causer des pressions sur la végétation , un niveau d’eau plus bas pourrait également modifier les concentrations salines du sol et de l’eau. Nous tentons de déterminer si ces changements de salinité auront un impact sur la végétation des environs et la sur disponibilité du fourrage pour le bétail et la faune. »
« Afin de préserver la biodiversité et la productivité des milieux humides, et assurer du même coup la productivité de l’habitat et la disponibilité du fourrage, il faut comprendre de quelles manières le pâturage influence toutes ces interactions complexes, » selon le Dr Lauchlan Fraser.
Contact:
Dr. Lauchlan Fraser
Ph: 250-377-6135
E-mail: [email protected]