GUYSBOROUGH, N.-É. – Bien que Benjamin Cornect ait grandi dans une région rurale d’une province de la côte est de l’Atlantique, l’école secondaire locale n’offrait aucun cours d’agriculture.

Bien qu’elle lui paraissait étrange, cette absence de formation à l’école ne l’a pas empêché de poursuivre sa quête de connaissances en agriculture.

« Étant donné que j’ai toujours aimé travailler à l’extérieur et que j’avais un certain intérêt pour les arbres de Noël, les bleuets et, bien entendu, les abeilles, je me suis inscrit à un programme de deux ans menant à un diplôme en commerce agricole à la faculté d’agriculture de l’Université Dalhousie (FAUD). Je savais qu’il s’agissait de quelque chose qui me donnerait les aptitudes nécessaires à la gestion financière d’une exploitation agricole, si jamais je décidais de poursuivre une carrière en agriculture. »

« Aussi, juste pour me tester et m’assurer que l’apiculture était quelque chose que j’allais apprécier en tant que carrière, je me suis trouvé un emploi auprès d’un apiculteur commercial de la Nouvelle-Écosse qui m’a appris plusieurs des trucs qui ne s’apprennent tout simplement pas dans les livres. On pourrait dire que la FAUD m’a préparé pour l’exploitation d’une entreprise agricole et que mes quatre années d’expérience de travail pour un apiculteur commercial ont constitué mon baccalauréat en apiculture. »

Benjamin a grandi sur une exploitation agricole, mais pas exactement de la manière que la plupart pourraient s’imaginer. Au lieu des bovins, des étables et des champs à perte de vue auxquels les gens s’attendraient, l’exploitation agricole des Cornect était plutôt faite de boisés, de volailles (environ une centaine pour leur propre consommation de viande et la vente aux voisins) et de bleuets.

La Cornect Family Farm fait l’élevage d’abeilles depuis maintenant 18 ans. Au cours des deux dernières années, Benjamin s’est impliqué dans les activités d’apiculture de l’entreprise familiale et en a favorisé l’expansion.

« Mon père possédait quelques étangs où on allait pêcher chaque année et où se trouvaient nos champs de bleuets, dit-il. Ce n’est que lorsque j’avais douze ou treize ans que ma mère a reçu ses premières ruches afin que nous puissions faire la pollinisation des champs. »

DES BESTIOLES FASCINANTES

« En ce qui concerne mon intérêt personnel, dit-il, j’ai été grandement motivé tout au long de mes études à la FAUD et à travailler pour un apiculteur local. J’ai toujours été fasciné par les abeilles; elles constituent probablement la chose la plus intéressante que l’on peut retrouver sur cette planète. Petit à petit, j’ai compris pourquoi ma mère était intéressée par les abeilles et les produits qu’elle pouvait créer à partir du plus petit élément d’une ruche. »

Cela a aidé Benjamin à constater l’importance de l’agriculture en général, de même que les avantages de se lancer dans un tel créneau de l’industrie agricole.

L’engouement pour l’apiculture en particulier n’est cependant survenu que des années plus tard, lorsqu’il a commencé ses études à la FAUD. Plusieurs de ses amis avaient grandi avec l’ambition de devenir athlètes, professeurs ou hommes de métier. Tout ce dont Benjamin était certain, c’est qu’il aimait le plein air et ne pouvait s’imaginer dans « un veston-cravate en train de jongler avec des chiffres ou rédiger des rapports à longueur de journée. »

« Les abeilles sont devenues pour moi la chose la plus fascinante qui soit, dit-il.  Chaque journée est différente de l’autre, surtout lorsqu’on s’imagine que l’on sait tout ce qu’il y a à savoir à propos des abeilles, de leur comportement et leur évolution : elles trouvent toujours un moyen de vous surprendre et de faire quelque chose d’imprévisible. »

« Aussi, c’est bien d’aider à promouvoir une industrie aussi mal comprise et de démystifier certaines croyances que les gens ont à son égard, dit-il. C’est quelque chose que nous nous efforçons toujours de faire sur l’exploitation.  Souvent, j’emmène des curieux dans un rucher et je leur montre l’intérieur d’une ruche. Chaque année, mes parents reçoivent également des autobus plein d’élèves du primaire provenant des écoles de la région et ils emmènent les enfants dans un rucher pour qu’ils puissent examiner les abeilles de plus près. Je suis souvent surpris de voir qu’un groupe d’enfants comme eux ont une plus grande fascination et moins de peur que les adultes par rapport à ce qui se passe à l’intérieur d’une ruche. »

Pour ce qui est de l’aspect commercial de l’entreprise, Benjamin le qualifie d’être « plutôt encombrant ». Selon lui, l’apiculture commerciale ou de grande échelle demande un fort investissement de capital pour les installations, l’équipement lourd et l’équipement d’extraction, sans compter tous les articles en bois et les hausses à miel nécessaires pour l’hébergement des abeilles.

« Un autre aspect intéressant de l’apiculture est qu’il ne s’agit pas de quelque chose qu’on peut simplement apprendre à partir d’un livre, souligne-t-il. Il n’y a pas deux saisons d’apiculture qui soient pareilles et on fait souvent face à des conditions exceptionnelles auxquelles on ne s’était jamais attendu. »

« Le temps qu’il fait a une très grande influence sur l’apiculture, ajoute-t-il. Les abeilles sont à la merci du temps qu’il fait : il détermine souvent la vitesse à laquelle les ruches se construisent au printemps, la quantité de miel produite au cours de l’année et le nombre d’abeilles qui survivent aux hivers relativement difficiles de la Nouvelle-Écosse. »

JE ME SUIS FAIT PIQUÉ PLUS D’UNE FOIS

Aujourd’hui âgé de 29 ans, Benjamin s’occupe des activités d’apiculture de l’exploitation agricole, comme, entre autres, les commandes de pollinisation et la production de miel. Il a acquis cette part de responsabilité de l’entreprise il y a deux ans, lorsqu’il a acheté la totalité des ruches de ses parents ainsi que plus de 200 nouvelles ruches pour l’exploitation.

« Cela donne plus de temps à mes parents pour s’occuper de leur part de l’entreprise, qui s’est agrandie rapidement au cours des dernières années alors que de plus en plus de miel est vendu sur les marchés haut de gamme et que plus de produits à valeur ajoutée sont créés sur l’exploitation. »

« Quand j’étais petit, je participais beaucoup au travail sur l’exploitation agricole, mais lorsqu’il était question d’abeilles, je n’apportais mon aide que lorsque c’était nécessaire. J’ai eu la malchance, un jour, de traverser un champ de bleuets où les ruches venaient d’être déménagées, tout juste après la pollinisation. Les ruches avaient été transportées ailleurs trop tôt dans la journée et plusieurs abeilles étaient donc sans domicile. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles n’étaient pas très heureuses de la situation et que j’ai servi de bouc émissaire de leur colère. Elles m’ont piqué à de nombreuses reprises. »

En rétrospective, Benjamin dit que l’incident était quelque peu étrange, puisqu’il se souvient d’avoir pris les abeilles en aversion pendant plusieurs années par après, au point de ne jamais même les approcher. « Ce n’est pas la faute des abeilles si j’ai été piqué; ce n’était que leur réaction naturelle à leur situation à ce moment-là, » rationalise-t-il aujourd’hui.

La soeur de Benjamin, Amanda, s’occupe de la plupart des ventes tandis que leur mère, Margaret, va au marché fermier chaque fin de semaine. Elle apporte également son aide en ce qui a trait à la production de miel et de produits à valeur ajoutée sur l’exploitation agricole familiale.

En matière d’objectifs, Benjamin dit que, à court terme, sa famille songe à compléter la construction des installations d’extraction. Ils construiront cette année une salle d’extraction de taille plutôt considérable avec une ligne d’extraction commerciale pour transformer le miel. L’installation sera inspectée par le gouvernement fédéral, ce qui permettra de faire l’exportation du miel hors de la province.

« Pour ce qui est de nos objectifs à long terme, dit Benjamin, le principal est d’augmenter notre nombre de ruches à environ 450 ou 500 colonies afin d’aider les producteurs de bleuets de la région. On songe aussi à se focaliser un peu plus sur la production de miel afin d’étendre notre marché à d’autres régions du pays et à pénétrer de nouveaux marchés de spécialité. »

 

VOTRE PASSION

Quels conseils Benjamin souhaite-t-il donner aux nouveaux et jeunes agriculteurs?

« Si l’agriculture est votre passion et que vous appréciez réellement le travail et le style de vie qu’elle implique, dit-il, alors tout ce que j’ai à dire, c’est de foncer. Assurez-vous cependant qu’il s’agit bel et bien d’un style de vie que vous souhaiteriez avoir, car il ne s’agit pas d’un travail du style ‘neuf à cinq’, cinq jours par semaine et avec fins de semaines de congé, des vacances payées et une automobile fournie par l’entreprise. »

« Je suis sûr que cela s’applique à l’ensemble des secteurs de l’industrie agricole. On sait quand on doit commencer à travailler mais on ne sait pas quand on finit. Cela signifie que certaines journées sont plus longues que d’autres et que certaines semaines de travail durent sept jours plutôt que cinq. L’agriculture est un style de vie, pas une carrière; c’est probablement la façon la plus simple de l’expliquer. »

 

AGRICULTEURS DANS L’ÂME

Benjamin croit qu’un plus grand nombre de jeunes personnes se lanceront en agriculture au cours des prochaines années, mais que cela ne se fera peut-être pas de façon traditionnelle.

« De plus en plus d’exploitations agricoles sont des exploitations mixtes, dit-il, avec plusieurs types de productions différentes. L’innovation que les jeunes apportent à l’agriculture est très importante et changera probablement le visage de l’industrie agricole dans un avenir immédiat. Les exploitations agricoles mixtes peuvent être très rentables et durables. »

« Je crois qu’on observera toujours la tendance voulant que les jeunes prennent la relève de l’exploitation agricole familiale lorsqu’ils deviennent adultes, mais je crois de plus en plus aujourd’hui que l’agriculture est en fait une possibilité pour plusieurs autres personnes qui n’on jamais eu d’antécédents en agriculture. J’étais étonné pas le nombre de personnes qui fréquentaient la FAUD avec moi et qui n’avaient peu ou pas d’expérience agricole, mais qui y voyaient néanmoins un avenir. »

Benjamin dit qu’il était attiré par l’aspect commercial de même que par le style de vie engendré par l’exploitation d’une entreprise agricole.

« Honnêtement, ajoute-t-il, je ne crois pas que je pourrais vivre autrement. Je travaille en plein air pratiquement toute l’année, je peux constater les résultats du travail que j’investis dans l’entreprise et j’ai plus de temps à passer avec mon épouse et nos familles. »

Benjamin siège actuellement sur le conseil d’administration de l’Antigonish Guysborough Federation of Agriculture et est membre de la Nova Scotia Beekeepers Association. Selon lui, il est nécessaire de toujours être à l’affût de ce qui se passe au sein de l’industrie. Il a choisi de suivre un parcours inhabituel au cours des deux dernières années en ce qui concerne l’aspect financier et comptable de l’entreprise.

« Je ne vois vraiment pas de meilleure façon de vivre, conclut-il. Je crois que certaines personnes viennent tout simplement au monde avec l’agriculture dans l’âme. »

Pour plus d’informations sur Cornect Family Farm, veuillez visiter www.cornectfamilyfarm.com.