L’effondrement de la culture du tabac a non seulement nui au portefeuille des producteurs, mais il a aussi menacé l’écosystème fragile des sols productifs, mais très érodables, de la plaine sablonneuse de Norfolk.
Au cours des 50 dernières années, des centaines de haies de cèdres ont été installées, souvent dans le but de protéger des champs d’une cinquantaine d’acres.
« Comme la culture du tabac était très lucrative, nous avons pu nous permettre d’établir des haies et d’abandonner d’importantes superficies de terres marginales, explique Bryan Gilvesy. Bien des gens craignaient que nous retournions en arrière, que nous perdions ces superficies et que nous redevenions un bol de poussière. »
Ainsi, lorsque le projet ALUS a été mis sur pied, il a suscité beaucoup d’intérêt et offrait aux producteurs une compensation en retour de biens et services écologiques.
Ce n’est pas une fortune. Une acre reboisée ou consacrée à la réhabilitation de zones humides rapporte 150 $ par année. M. Gilvesy a ensemencé des grandes graminées sur une superficie de 70 acres de terres marginales et reçoit 75 $ l’acre étant donné que, à partir du milieu de l’été, il peut laisser paître ses bovins une fois la période de mise bas des renards et de nidification des oiseaux et d’autres espèces de la faune sauvage terminée. Au total, 110 producteurs ont inscrit près de 800 acres auprès du projet (pour visionner une vidéo et obtenir une description du projet, visitez le site norfolkalus.com – en anglais seulement).
Il convient de noter que de nombreux participants tirent des avantages inattendus de la gérance de l’environnement.
L’un des projets de Bryan Gilvesy consiste à protéger un ruisseau qui coule dans un ravin derrière chez lui. Il a emmené des centaines de visiteurs voir l’affluent Little Otter Creek, qui se déverse dans le lac Érié.
« Je dis aux visiteurs en provenance de Toronto qu’ils boiront de cette eau un jour », dit-il.
Il a sillonné le pays pour faire la promotion du projet ALUS, qui comprend aussi la séquestration du carbone (une acre de grandes graminées à racines profondes peut retenir près de deux tonnes de carbone). Il s’est toutefois rendu compte que le projet attire l’attention lorsque les avantages sont observables : l’eau claire d’un cours ou des vaches à longues cornes dévorant des graminées de deux mètres de hauteur.
« Nous nous sommes également rendu compte que les gens ont de la difficulté à saisir la notion de séquestration du carbone parce qu’ils ne peuvent pas voir le carbone, ni le sentir ni y goûter. Mais lorsque vous parlez de l’eau qu’ils consomment, de la protection des prairies de grandes graminées et de la forêt carolinienne, là ils comprennent. »
Cette observation a des répercussions directes sur l’entreprise de Bryan Gilvesy qui demande un prix supérieur pour sa viande.
« Nous ajoutons de la valeur à nos produits, et les consommateurs recherchent de plus en plus ce genre de produits. »
M. Gilvesy mentionne le cas d’un autre participant qui obtient des rendements de courges bien au-dessus de la moyenne parce qu’il a établi un habitat pour les abeilles sauvages.
« Des producteurs confient qu’ils n’ont jamais vu une pollinisation aussi efficace, raconte Bryan Gilvesy. Au lieu de louer des abeilles, le producteur reçoit une compensation du projet ALUS et en retire un avantage pour sa récolte. C’est là que les choses deviennent vraiment intéressantes. »
Se préoccuper de l’environnement ne permet pas aux producteurs du comté de Norfolk de s’enrichir, conclut M. Gilvesy. Mais ils découvrent que le fait de s’en préoccuper apporte son lot de récompenses.