Sharon et Bruce VandenBerg possèdent de nombreux talents, mais ils se concentrent sur ce qu’ils font le mieux.
À tous points de vue, Sharon et Bruce VandenBerg ont été très prospères. Il est donc étonnant d’entendre M. VandenBerg dresser la liste des domaines pour lesquels, selon eux, ils n’étaient pas faits ou dans lesquels ils n’étaient pas très bons.
Aucunes dispositions pour la vente au détail : pourtant le couple s’est lancé dans la fabrication du fromage de chèvre pour démarrer une boutique à la ferme. Pas très doués pour la commercialisation : pourtant M. VandenBerg a fait carrière dans la vente avant que l’entreprise de fabrication de fromage de chèvre ne prenne des proportions incontrôlables. Aucune aptitude pour la gestion d’entreprise : pourtant ils ont fait de leur ferme laitière Mariposa Dairy (mariposadairy.ca – anglais seulement) l’une des grandes histoires de réussite de l’agriculture canadienne.
Leur parcours commence peu de temps après leur mariage en 1985, lorsqu’ils ont fait l’acquisition d’une ferme de 100 acres située à environ 50 kilomètres à l’ouest de Peterborough, en Ontario. La fabrication de fromage de chèvre semblait tout indiquée étant donné que le propriétaire précédent élevait des chèvres et que Sharon, nutritionniste, souhaitait se lancer dans une activité qui allait générer un revenu tout en lui permettant de rester à la maison avec ses jeunes enfants.
« Ça allait être le projet de Sharon », explique Bruce VandenBerg qui, à l’époque, était représentant commercial pour un détaillant de semences et de produits chimiques agricoles. « Nous avons donc acheté 25 chèvres avec l’idée de peut-être augmenter à 100. »
Ils ont appris l’art de la fabrication du fromage et ont ouvert une petite boutique en 1989. Grâce au bouche à oreille, d’anciens et nouveaux clients ont commencé à fréquenter la boutique. Au début, ils étaient ravis et toujours prêts à répondre aux questions des clients et à faire visiter la ferme. Mais un jour, la tâche est devenue trop lourde.
« Nous tentions de réserver les dimanches pour la famille », explique M. VandenBerg, père de quatre enfants. « Mais certaines personnes s’en moquaient complètement. Des gens se présentaient à six heures du matin ou à dix heures du soir. Si nous avions habité à l’extérieur de la ferme, si la boutique avait été située à l’extérieur de la ferme ou si nous avions eu du personnel, ç’aurait été formidable. »
« Mais j’avais un emploi à l’extérieur de la ferme, nous faisions la traite des chèvres et nous fabriquions du fromage; c’était très prenant. Nous pouvions rarement nous absenter. C’est à ce moment que nous avons décidé d’aller en ville et d’explorer d’autres façons de vendre notre fromage. »
Tout comme pour la vente au détail, les VandenBerg se débrouillaient assez bien sur le plan de la commercialisation et de la distribution. Puis, un jour, ils ont décidé que tout cela était hors de leur domaine de compétence. Ils ont alors confié leurs fromages à pâte molle et à pâte dure à la coopérative Ontario Natural Food Co-op de Toronto, à laquelle se sont ajoutés d’autres détaillants. Cette décision allait permettre de générer des revenus suffisants pour que M. VandenBerg quitte son emploi en 1993. « C’est extrêmement difficile d’aller d’un magasin à l’autre pour vendre quelques morceaux de fromage; il fallait trouver quelqu’un qui était capable de vendre en grand volume », dit-il.
En apparence, tout semblait bien fonctionner, mais l’avenir de l’entreprise ne tenait qu’à un fil. Et les VandenBerg en étaient parfaitement conscients. Ils ont compris que pour obtenir un distributeur, ils se devaient de changer d’échelle. Ils décidèrent donc d’embaucher du personnel et d’accroître la production. Le plan a fonctionné et en 1996, ils ont non seulement noué des liens avec Finica Food Specialties, mais ils ont conclu un accord avec l’entreprise de Toronto pour créer la marque Celebrity International Goat Cheese.
La marque a été bien accueillie et les ventes ont commencé à prendre de l’essor. Les VandenBerg ont démontré une fois de plus qu’ils étaient capables de prendre du recul pour examiner leur entreprise et pour s’examiner eux-mêmes d’un œil critique. Ils ont alors jugé le moment était venu d’effectuer d’autres changements pour porter Mariposa à un autre niveau.
« Nous avions du personnel compétent et un bon produit, mais nous n’avions pas de systèmes en place et, par conséquent, nous avions des problèmes sur le plan de la qualité, raconte M. VandenBerg. Nous nous sommes rendu compte que nous devions prendre de l’expansion pour nous permettre d’embaucher une personne pour diriger la fromagerie. Une personne qui posséderait les connaissances que nous n’avions pas. »
À l’automne 2000, ils ont embauché une personne pour diriger la fromagerie et, l’année suivante, une personne pour assurer la gestion du troupeau.
Étant donné que la gestion du troupeau, la production du fromage, la distribution et la vente au détail relevaient d’autres personnes, que restait-il pour les VandenBerg?
Plus que vous ne le croyez.
« Le fait de déléguer les tâches quotidiennes nous a permis de prendre du recul et de nous concentrer sur l’avenir », souligne M. VandenBerg.
Ce commentaire peut sembler flou, mais il ne l’est pas. Le couple a participé, et participe encore activement, aux activités de la ferme, mais le fait d’avoir des gestionnaires leur permet de faire autre chose. À la fin des années 1990, M. VandenBerg, qui participait au Programme avancé de leadership agricole, un programme de perfectionnement qui s’adresse aux personnes qui travaillent dans le secteur de l’agriculture et de l’alimentation en Ontario, se souvient d’un jour en particulier.
« J’étais debout dans une serre près de Niagara Falls lorsque le propriétaire a fait observer que 65 millions de personnes se trouvaient à une heure de route. De retour à la maison, Sharon et moi avons échangé sur le sujet. Nous savions que nous avions un bon produit et en examinant tout ce potentiel, nous nous sommes dit qu’un choix s’imposait : prendre de l’expansion ou abandonner nos activités. »
La décision prise ce jour-là a donné lieu à l’élaboration d’une stratégie de croissance énergique qui leur a permis de saisir une autre occasion qui allait transformer leur vie.
« À l’automne 2003, nous avons reçu un appel : Costco avait vu certains de nos produits et voulait les vendre. Étions-nous en mesure de satisfaire la demande? J’ai pensé à ajouter des roulottes ou autre à la ferme, mais lorsque j’ai demandé à Sharon ce qu’elle en pensait, elle m’a répondu : Pourquoi ne pas louer un local en ville pour y emballer nos produits? »
« Le lendemain, nous nous sommes rendus en ville (près de Lindsay, en Ontario), nous avons loué un local de 5 000 pieds carrés et nous avons rappelé la personne qui nous avait contactés pour lui dire : Dites à Costco que nous sommes prêts. Depuis ce jour, notre entreprise a vingtuplé. »
Si vous cherchez les raisons de cette croissance, vous constaterez que les décisions stratégiques de Sharon et Bruce VandenBerg ont joué un rôle prépondérant. Il y a eu la mise au point d’un fromage de chèvre aux canneberges (succès retentissant) et autres saveurs, la création de nouveaux emballages comme les tubes refermables et la présentation de fromage de chèvre en tranches ainsi que la conception d’un système de registres d’avant-garde pour faire le suivi de l’alimentation au colostrum, de la vaccination et des traitements. Les renseignements de ce système sont d’ailleurs rattachés aux registres de distribution. (L’idée leur est venue lors d’une conférence au cours de laquelle de grands producteurs de lait des États-Unis participaient à une table ronde. « Ils lançaient des chiffres sur les principaux indicateurs de rendement. Lorsque Sharon et moi sommes retournés à la maison, nous avons rencontré notre responsable de la gestion du troupeau et lui avons dit : Voici ce qu’il nous faut. »
Et la liste ne s’arrête pas là : certifications HACCP et ISO pour maintenir des pratiques de salubrité et de sécurité alimentaires à la fine pointe; embauche d’un contrôleur pour préparer la prochaine étape de la croissance; embauche d’un gestionnaire des ressources humaines en raison de l’augmentation du nombre d’employés qui dépasse maintenant 60 personnes.
« Nous voulons nous concentrer sur nos points forts, souligne M. VandenBerg. J’ajouterais que, pour nous, cela signifie innover, trouver des débouchés et être capables d’agir au moment opportun. »
Avec du recul, M. VandenBerg indique qu’il ne peut s’imaginer être un petit détaillant local ou vendre son produit à de petites boutiques spécialisées maintenant que, grâce à des entreprises semblables à la leur, son fromage de chèvre est devenu un produit courant offert dans toutes les chaînes à la grandeur du pays.
« Si nous avions refusé de saisir les occasions qui se présentaient à nous, je crois que nous ne serions plus en affaires aujourd’hui, conclut-il. Je peux donc dire que le fait d’avoir miser sur nos points forts a été fondamental. »