Travis Toews explique qu’il n’essaie pas d’être un pionnier en matière d’innovation, mais avoue qu’il garde un œil sur ceux et celles qui le sont.

« Je n’ai pas ce que vous pourriez appeler une histoire personnelle qui sort de l’ordinaire en ce qui concerne l’adoption de nouvelles technologies », raconte l’homme de 47 ans qui, avec l’aide de sa conjointe Kim et de sa famille, exploite Melbern Holdings, une entreprise d’élevage-naissage de 1 200 têtes située à Beaverlodge dans la région de la rivière de la Paix, en Alberta.

« Mais comme la plupart des exploitations commerciales, nous utilisons la technologie actuelle et nous examinons ce que nous pourrions adopter plus tard. Nous savons que c’est incontournable pour demeurer concurrentiel. »

C’est l’une des principales raisons pour lesquelles M. Toews, président sortant de la Canadian Cattlemen’s Association (association canadienne des éleveurs de bovins), a accepté la coprésidence du Comité d’innovation en agriculture, un groupe nouvellement formé pour conseiller le ministre de l’Agriculture Gerry Ritz sur la recherche et le développement en agriculture. M. Toews indique qu’il a accepté de faire partie de ce comité parce qu’il souhaite que les agriculteurs canadiens aient plus d’occasions d’innover.

« Il existe très souvent un fossé entre la recherche et le transfert technologique », dit-il.

Mais l’envers de la médaille est que les agriculteurs doivent saisir ces occasions et sur ce plan, M. Toews admet que ce n’est pas toujours facile.

Prenons par exemple l’une de ses plus récentes innovations : un nouveau système de manipulation des bovins. En raison de l’augmentation de son troupeau (près de 75 % depuis les dernières années), l’ancien système construit en bois était devenu désuet. Le nouveau système qu’il a installé en 2009 comprend des couloirs, des enclos, des allées, des aires de rassemblement et des barrières construits en tuyau d’acier; du béton pour que les vaches et leurs manutentionnaires ne glissent pas dans la boue; un pont-bascule de 30 pieds et une cage de contention hydraulique.

La recherche sur le comportement des bovins a révolutionné la conception des systèmes et a permis de déterminer une foule de facteurs à prendre en considération. Par exemple, les bovins s’immobilisent souvent à la vue d’objets qui bougent, de personnes et de chiens : le système doit donc comprendre des côtés solides à certains endroits tout en permettant aux manutentionnaires de bien voir. Il faut également tenir compte de la vision panoramique des bovins (leur permettant de voir de chaque côté d’eux jusque vers l’arrière – zone visible de 300?) et de leur instinct grégaire (le fait qu’ils aiment être entourés d’autres bovins). La conception des couloirs et des cages de contention doit donc tenir compte de leur horreur de marcher à la file indienne et de leur envie de suivre le chef du troupeau. Elle doit aussi positionner les manutentionnaires à la limite, et non à l’intérieur, de leur zone de fuite.

Ces facteurs signifient qu’il existe une foule de façons de concevoir les allées, les enclos, les cages et les couloirs de contention. Et lorsque vous investissez une somme à six chiffres dans un système, comme ce fut le cas de M. Toews, vous voulez que tout soit parfait.

« Nous avons visité de nombreuses exploitations pour voir leur système et de nombreux salons commerciaux, et puis nous connaissons assez bien les recommandations des experts concernant les systèmes de manipulation des bovins », explique M. Toews.

« De plus, et c’est probablement le point le plus important, nous avons fait nos propres observations au fil des années. Nous avons analysé de quelle façon les animaux se déplacent, quelle est leur zone de fuite, quelle est la grandeur idéale de l’aire pour trier les animaux, de quelle façon les contrôler sans créer de stress inutile. Tous ces éléments importants ont été pris en compte lorsque nous avons conçu notre système. »

M. Toews indique qu’il est heureux du résultat et estime que, dans son cas, la décision s’est prise au moment opportun. Compte tenu du temps consacré à l’identification, à la vaccination et au suivi de gestation, ce fut un bon investissement.

« Les économies sur le plan de la main-d’œuvre sont considérables et les coûts liés aux diverses tâches ont probablement diminué de moitié », explique M. Toews, qui est également comptable. « C’est aussi moins de stress pour les bovins, ce qui signifie moins de problèmes de santé et une meilleure productivité. »

Mais ses expériences n’ont pas toutes fonctionné.

« Les gens vantaient beaucoup les avantages du pâturage en andain étalé, dit-il. Nous avons donc essayé le pâturage en andain étalé et le pâturage de maïs sur pied pendant quelques saisons. Mais après avoir effectué quelques calculs, nous sommes revenus à des méthodes plus classiques. Dans notre cas, il n’y avait aucun avantage sur le plan des coûts et nous perdions le contrôle des rations alimentaires et de la gestion des éléments nutritifs et de l’apport énergétique. »

Bien que son expérience n’ait pas été fructueuse, il dit aimer ce genre d’innovations.

« Innover ne signifie pas nécessairement acheter le meilleur et le tout dernier équipement. C’est beaucoup plus que ça. Souvent, c’est adopter des méthodes spécifiques à votre exploitation pour en améliorer l’efficacité ou la productivité. »

Parfois, ça va même plus loin. Il y a plusieurs années, M. Toews avait décidé de cultiver tous ses aliments pour animaux. Il avait pris cette décision, en grande partie, parce qu’il craignait que l’augmentation de la production d’éthanol n’entraîne un resserrement des stocks et des fluctuations marquées du prix des aliments pour animaux. Ce scénario s’est d’ailleurs concrétisé cet été lorsque le prix du maïs a subi une hausse de 60 % en l’espace de quelques semaines seulement.

Le fait de travailler pour des associations d’éleveurs de bovins et d’autres groupes a permis à Travis Toews de voyager beaucoup. Il mentionne qu’à chaque voyage, il a vu des agriculteurs qui adoptaient de nouvelles technologies, des nouveaux systèmes de production et de nouvelles pratiques de gestion. Il fait observer que ces derniers sont la concurrence et que les agriculteurs canadiens ne peuvent se permettre de tirer de l’arrière.

C’est pourquoi il demeure attentif à ce que font les autres.

« Le plus important, c’est de toujours être conscient du fait qu’il existe des idées, des technologies et des méthodes nouvelles. Ensuite, il n’en tient qu’à vous de décider de ce qui convient le mieux à votre situation. »