Des chercheurs de l’Université de Moncton ont isolé des bactéries bénéfiques qui offriront en définitive des solutions de rechange en matière de gestion aux agriculteurs.  Ces organismes, par leur simple présence, favorisent la croissance des plantes et peuvent leur fournir une résistance contre les maladies.

« Nous sommes intéressés par les micro-organismes qui vivent dans le sol, à proximité des plantes, autrement dit dans la rhizosphère, » explique Dr. Martin Filion, professeur associé au département de biologie de l’Université de Moncton, au Nouveau-Brunswick. « Il s’agit des quelques premiers millimètres de sol qui adhère aux racines de la plante. C’est là que certaines interactions entre la plante et les micro-organismes déterminent la manière dont la plante performera sous différentes conditions agricoles. Notre objectif est d’isoler des micro-organismes qui vivent déjà dans la rhizosphère des plantes et de trouver ceux génétiquement adéquats pour accomplir le travail que nous recherchons, plus particulièrement pour la mise au point de biopesticides et de biofertilisants. »

Le Dr Filion et son équipe de recherche ont identifié quelques micro-organismes bactériens bénéfiques qui pourraient devenir des biopesticides et une solution de rechange ou un complément à l’utilisation de pesticides chimiques pour lutter contre les maladies végétales. « Nous nous efforçons d’isoler des bactéries qui produisent certains composés antimicrobiens, explique-t-il. Puis, une fois qu’elles seront inoculées à nouveau dans la rhizosphère, ces bactéries produiront ces composés en quantité suffisante pour réduire la population des pathogènes végétaux. Ces composés peuvent également contribuer à activer des voies métaboliques similaires à la réaction immunitaire d’un être humain et ils pourraient également permettre de mieux protéger la plante. »

Un intérêt particulier est porté envers deux maladies notoires chez les agriculteurs qui touchent les plantes de la famille des solanacées (p. ex. pommes de terre et tomates) et pour lesquelles il n’existe encore aucune solution commerciale de lutte efficace. La galle de la pomme de terre et le chancre bactérien de la tomate sont toutes deux des maladies graves, causées par des bactéries pathogènes. L’équipe de recherche du Dr. Filion a identifié certaines bactéries bénéfiques qui peuvent aider ces plantes à lutter contre ces pathogènes et les maladies qu’ils causent.

« Ces micro-organismes doivent avoir la faculté de subsister dans la rhizosphère et nous sommes également en train d’évaluer certains traits génétiques qui pourraient les aider à mieux survivre parmi d’autres organismes dans la rhizosphère, dit-il. Nous tentons de mettre au point un revêtement de semences que l’on n’appliquerait qu’une seule fois et qui agirait ensuite tout au long de la saison de culture. Cependant, nous n’en sommes pas encore à l’étape commerciale avec ces micro-organismes mais nous avons identifié plusieurs spécimens bactériens très prometteurs. Les micro-organismes ayant été isolés à partir des sols de la côte de l’Atlantique devrait faciliter un peu le processus d’homologation en vue d’un emploi dans les Maritimes et ailleurs au pays. »

Un deuxième champ d’intérêt est la conception de biofertilisants pour favoriser la croissance des plantes. Le Dr. Filion a commencé à travailler avec Technology Crops International qui l’a abordé il y a environ cinq ans pour savoir si ses recherches pourraient contribuer à l’amélioration et au rendement d’une nouvelle culture alors en cours d’élaboration. « Cette entreprise est particulièrement intéressés par les cultures oléagineuses et ils ont identifié une nouvelle plante ayant la faculté de produire des acides gras oméga-3 semblables à ceux que l’on retrouve dans les sources aquatiques, dit-il. Nous travaillons sur la conception d’un inoculat bactérien capable d’améliorer le rendement de la plante, plus particulièrement son métabolisme lipidique ainsi que sa bioaccumulation d’huiles. »

L’équipe de recherche du Dr. Filion a réussi à isoler un micro-organisme capable d’augmenter de plus de 40% l’accumulation d’omega-3 dans cette espèce végétale en particulier, et ce, en milieu réel. « Cette nouvelle technologie qui consiste à favoriser la croissance et l’accumulation de plus de lipides chez cette plante constitue une approche très intéressante, souligne-t-il. C’est justifié, d’un point de vue économique, de produire ce micro-organisme à une échelle commerciale pour qu’il soit utilisé par les agriculteurs comme revêtement inoculant des semences. »

L’Université de Moncton dispose d’un brevet en instance pour une souche bactérienne particulière à cette culture et le Dr. Filion planifie quant à lui de prolonger le partenariat avec l’entreprise et de rendre la technologie accessible grâce à un accord d’autorisation avec la compagnie. Celle-ci s’attend à produire cette nouvelle espèce végétale à grande échelle d’ici les deux prochaines années et, avec un peu de chance, l’inoculant devrait être disponible au même moment.

En plus de la mise au point de biopesticides et de biofertilisants, le Dr. Filion s’affaire également à la conception d’outils moléculaires pour étudier les interactions rhizosphériques. La conception de ces nouveaux outils aidera à comprendre les interactions rhizosphériques d’un point de vue fonctionnel et écologique. « Nous mettons au point des marqueurs de retraçage moléculaires qui permettront aux agriculteurs et aux contrôleurs de déterminer, par exemple, le taux de présence d’une souche bactérienne en particulier dans le sol, qu’elle soit en train d’apparaître ou de disparaître dans le champ, explique le Dr. Filion. C’est sur quoi on travaille pour les biopesticides et les biofertilisants. »

Le Dr. Filion et son équipe de recherche continuent de travailler sur ces différents projets et tentent de diversifier leur plate-forme technologique.  Ils cherchent à étendre leur champ d’activités à d’autres cultures d’oléagineuses comme le soja et d’autres nouvelles cultures. Le Dr. Filion a reçu des subventions pour ses projets provenant du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de la Fondation de l’innovation du Nouveau-Brunswick, de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique et de diverses autres sources de l’industrie et du gouvernement.

 « En l’absence de solution commerciale pour lutter contre certaines des maladies bactériennes les plus graves de la pomme de terre et de la tomate, nous tentons d’isoler des micro-organismes antibactériens pour en faire des biopesticides capables de lutter contre les maladies, dit le Dr. Martin Filion.  Ces biopesticides pourraient remplacer les pesticides chimiques ou  agir en tant que complément à ceux-ci. »

Contact :
Dr. Martin Filion
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Courriel : [email protected]

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