Les prix des cultures sont élevés depuis plusieurs années, ce qui porte à croire à l’avènement d’une « nouvelle norme » en agriculture. Les perspectives pour les 10 prochaines années publiées récemment par le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) font ressortir des facteurs économiques robustes qui auront une incidence sur la demande alimentaire au cours des années à venir.
La présente période, caractérisée par des prix élevés, des revenus agricoles solides et la hausse de la valeur des actifs, va-t-elle se poursuivre? Ou bien, un retour à des prix plus proches des niveaux historiques dans le secteur agricole est-il inévitable?
Examinons rapidement certains facteurs qui ont contribué à la vigueur récente des prix des produits de base :
– essor de la classe moyenne dans les marchés émergents, qui se traduit par des hausses de la demande alimentaire;
– augmentation de la production de biocarburants aux États-Unis et en Europe;
– accroissement soutenu des rendements des cultures, malgré des variations à court terme attribuables aux conditions météorologiques, bien qu’à un rythme plus lent qu’il y a 20 ans.
Même si la production de biocarburant s’est heurtée à quelques embûches ces derniers temps, les politiques actuelles sont censées demeurer en place. Selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, la croissance économique rapide en Extrême-Orient et en Amérique latine fera augmenter la consommation annuelle de viande par habitant de 24 kilogrammes et de 16 kilogrammes respectivement d’ici 2050. À long terme, ces facteurs soutiendront la demande de carburant renouvelable, de céréales, d’oléagineux et de viande, et les prix devraient demeurer robustes.
« Les prix élevés sont le remède contre les prix élevés », dit-on. Les prix élevés des marchandises agricoles encouragent les producteurs à accroître leur production, à utiliser plus d’engrais et à améliorer leurs exploitations. Cela s’observe partout dans le monde.
Aux États-Unis, par exemple, des terres sont retirées du Conservation Reserve Program (CRP), qui met de côté des terres écosensibles, et sont remises en production. En 2007, le CRP comptait 36,9 millions d’acres. Ce nombre a maintenant diminué de 7 millions pour s’établir à un peu plus de 29 millions d’acres. Sept autres millions d’acres risquent d’être retirés du programme d’ici 2015.
Songez aux superficies entourant votre propre exploitation : les terres qui ont été improductives durant plusieurs années sont-elles en train d’être remises en production?
Malgré la possible pénurie d’eau et les pressions environnementales qui sont exercées dans certaines parties du monde, beaucoup de marchés en développement auraient la capacité d’accroître leur production en augmentant les rendements, en améliorant l’infrastructure afin de réduire le gaspillage et en occupant plus de terrain.
Cela nous ramène à la question importante : les prix actuels représentent-ils la « nouvelle norme » pour les marchandises agricoles?
Les prix actuels du maïs, de l’orge, du canola et du soja sont largement déterminés par les effets de la sécheresse aux États-Unis. Selon les projections de l’USDA, les prix moyens des récoltes seront inférieurs aux niveaux actuels au cours des 10 prochaines années. Notamment, les prix du maïs devraient se situer aux environs de 4,80 $ le boisseau en 2013-2014. Les prix du blé, eux, devraient redescendre de leurs sommets récents et se stabiliser autour de 6 $ le boisseau au cours des 10 prochaines années, et les prix du soja devraient osciller autour de 11 $ le boisseau.
Même s’il apparaît peu probable que la conjoncture future porte les prix du canola et du soja à 14 $ le boisseau, ou ceux du maïs et du blé à 7 $ le boisseau, on peut s’attendre à ce que les prix ne redescendent pas à leurs moyennes précédentes, remontant à 1990, qui étaient inférieures. Si nous prenons l’année 2005 comme année charnière, nous constatons deux environnements de marché différents pour les cultures.
La première période (de 1990 à 2005) se caractérisait par des prix plus bas et par une faible volatilité. La période actuelle, qui a débuté environ en 2005, se caractérise par des prix et par une volatilité plus élevés. La nouvelle norme en agriculture pourrait contenir les prix, mais la dynamique du marché pourrait aussi se traduire par la persistance d’une forte volatilité.
D’un point de vue commercial, il est judicieux pour les producteurs d’établir divers scénarios lorsqu’ils planifient l’avenir de leurs entreprises. Cela est encore plus important dans la mesure où il est plus difficile que jamais d’estimer la valeur future des recettes des productions végétales et animales. N’hésitez pas à établir des scénarios extrêmement prudents ou très ambitieux. En calculant plusieurs possibilités optimistes et pessimistes concernant vos résultats futurs, vous obtiendrez des portraits différents et serez en mesure de choisir la stratégie qui s’harmonise le mieux avec votre propension au risque.
Il est toujours avisé de se fier à une analyse financière solide, en particulier dans le contexte actuel où la valeur des actifs agricoles ne cesse de s’apprécier. L’accumulation de capitaux propres découlant de la rentabilité antérieure est un facteur clé qui témoigne des véritables progrès financiers d’une exploitation et qui montrerait clairement toute diminution du ratio d’endettement. À l’inverse, les capitaux accumulés strictement grâce à la hausse de la valeur des actifs (comme les terres agricoles) masquent peut-être des problèmes de rentabilité sous-jacents que les producteurs devraient prendre en considération.
Les femmes et les hommes d’affaires avertis sont toujours à la recherche de débouchés, mais se tiennent constamment à l’affût des menaces. Alors, même si certains des moyens suggérés plus haut exigent beaucoup de temps, il n’en demeure pas moins que leur mise en pratique favorise la réussite à long terme des producteurs.
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