Le monde entier suit le sprint final de l’élection présidentielle aux États-Unis, qui aura lieu le 6 novembre prochain.
Quel que soit le candidat qui l’emporte, le jour de l’élection marque le début d’une période cruciale de huit semaines pour l’économie des États-Unis. L’incertitude économique et la politique agricole ne sont que deux des questions auxquelles le gouvernement américain doit s’attaquer et qui auront un impact sur le résultat net des producteurs agricoles et des agroentreprises.
Le grand enjeu macroéconomique qui fera les grands titres après l’élection est le « précipice budgétaire » dont nous avons parlé dans la chronique du mois dernier qui se trouve à l’adresse suivante.
Le précipice budgétaire désigne l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2013, de hausses d’impôts conjuguées à une baisse des dépenses publiques. Ce moment est mal choisi, dans la mesure où les revenus aux États-Unis croissent à un rythme inférieur à la moyenne, la création d’emplois est faible et les consommateurs sont encore en train de rembourser les dettes qu’ils ont accumulées durant les années qui ont précédé la crise financière de 2008.
Le Fonds monétaire international (FMI) estimait récemment que, dans le pire des cas, l’incapacité d’éviter le précipice budgétaire ferait diminuer de plus de
4 % le produit intérieur brut des États-Unis. Certains sont pessimistes quant à la capacité d’en arriver à une entente parce que les politiciens sont incapables de régler cette question depuis près de deux ans.
Par contre, les enjeux sont si élevés que la majorité des analystes croient qu’une entente interviendra, ne serait-ce qu’une solution temporaire. Un compromis comprendrait probablement un certain degré d’assainissement des finances publiques, mais cela n’atteindrait pas les producteurs et les agroentreprises du Canada autant que si l’économie tombait dans le précipice budgétaire.
La simple existence de cette incertitude a une incidence négative sur de nombreux segments de l’économie. Ne sachant pas ce que l’avenir réserve, les entreprises américaines évitent d’embaucher, d’investir et de constituer des stocks. Pourquoi? Parce qu’elles croient que si l’on ne parvient pas à écarter la menace du précipice budgétaire, la demande de biens chutera.
Étant donné les liens économiques solides entre le Canada et les États-Unis, si l’assainissement des finances publiques prévu se concrétise, cela aurait assurément des conséquences pour notre pays. En effet, les États-Unis représentent une part importante des exportations agroalimentaires canadiennes (autres que les produits de base), soit 67 %. La contraction économique pourrait entraîner une diminution de la demande de produits canadiens, en particulier pour les produits alimentaires transformés de grande valeur. Les effets se feraient aussi sentir sur le reste de l’économie mondiale si bien qu’on observerait un recul des prix des produits de base, ce qui aurait un impact indirect sur les producteurs primaires. Il ne devrait toutefois pas être difficile de trouver un marché pour ces biens.
Une deuxième question importante est celle de l’adoption des dispositions relatives à la prochaine loi agricole (Farm Bill) des États-Unis, dont nous avons parlé dans une chronique précédente, qui se trouve à cette adresse.
Bon nombre des dispositions de la loi agricole américaine de 2008 sont venues à échéance le 30 septembre 2012 et certains programmes d’aide aux producteurs de denrées (commodity programs) doivent expirer à la fin de la campagne 2012. Le défaut d’adopter une nouvelle loi agricole avant l’expiration de ces programmes signifierait un retour aux dispositions des années 1930 et 1940. D’ailleurs, une association de producteurs laitiers des États-Unis a récemment fait remarquer que l’expiration des dispositions relatives au secteur laitier à la fin de cette année signifierait que les prix de soutien atteindraient plus du double des prix actuels.
Les programmes agricoles sont si différents maintenant qu’il est peu probable que la loi agricole vienne à expirer. Un retour automatique à d’anciennes lois entraînerait des coûts élevés pour les contribuables américains, ce qui est inacceptable pour les légistes, compte tenu des contraintes budgétaires actuelles. Des pressions sont donc exercées pour que la loi agricole existante soit prolongée au moins jusqu’à l’année prochaine.
D’une certaine façon, l’adoption d’une nouvelle loi agricole n’est peut-être pas urgente pour les producteurs américains. Par exemple, l’assurance-récolte, le programme le plus apprécié, n’a pas à être autorisé dans le cadre de la loi. Cependant, à l’instar des entreprises qui affirment que l’incertitude économique freine l’investissement, les agriculteurs des États-Unis voudront peut-être réclamer une nouvelle loi agricole pour pouvoir prendre leurs décisions d’ensemencement pour 2013.
Même si les prix actuels des produits agricoles de base sont déterminés en partie par la demande élevée des marchés émergents, les États-Unis demeurent la première économie au monde. Tout ralentissement de l’économie américaine aurait sans l’ombre d’un doute un impact sur les prix des marchandises à l’échelle mondiale. Nous croyons que les compromis qui doivent être faits pour adopter une loi agricole et éviter le précipice budgétaire seront faits avant la fin de l’année. Cela stimulerait l’investissement et l’embauche et ferait augmenter le taux de croissance de l’ensemble de l’économie.
Une légère accélération de la croissance chez nos voisins du Sud serait bénéfique pour les exportateurs canadiens de produits alimentaires, qui sont tributaires du marché américain. Pour y parvenir, nous devrons peut-être traverser une période de forte volatilité alors que les marchés attendent des signes convaincants que les enjeux politiques des États-Unis seront résolus.
Lisez la chronique de Jean-Philippe Gervais dans FAC Express – le bulletin électronique de l’agriculture canadienne. Abonnez-vous à www.fac.ca/express et demeurez au fait des nouvelles, vidéos et balados sur l’industrie.