Il ne fait aucun doute que les répercussions de la sécheresse de l’année dernière ont touché plusieurs secteurs de l’agriculture.

En plus de la chaleur extrême, le fait que les stocks de cultures étaient inférieurs à la moyenne avant la sécheresse a certainement accentué les effets de cette dernière sur l’économie agricole des États-Unis. Les conditions de sécheresse ont fait bondir les prix des aliments pour animaux, ce qui a eu pour effet d’intensifier la commercialisation des bovins et des porcs et de faire baisser les prix de ces animaux. La hausse du coût des aliments et la baisse des revenus qui en ont résulté ont exercé des pressions sur les marges bénéficiaires.

Dans le secteur du porc, une restructuration de l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement a conduit à une coordination plus verticale entre les producteurs et les transformateurs. À la fin de l’année, le secteur avait enregistré des pertes importantes, notamment chez les producteurs de porcs qui achètent leurs aliments pour animaux.

Dans le secteur des bovins, la fermeture temporaire de l’usine XL Foods et sa vente subséquente à JBS ont aussi eu un impact sur le secteur de la transformation pour les éleveurs de bovins de boucherie.

Compte tenu de tous ces changements, que réserve l’avenir au secteur de la viande rouge du Canada?

Malgré les difficultés de l’année dernière, les perspectives du secteur canadien de la viande rouge demeurent positives. Le troupeau de bovins de boucherie devrait maintenant s’agrandir après six ans de déclin. Le taux accru de rétention des génisses donne effectivement à penser qu’une expansion est imminente.

Deux étés secs consécutifs dans le sud-ouest des États-Unis ont détérioré les conditions des pâturages, de sorte que les éleveurs de bovins américains ont peine à se procurer des aliments pour leur bétail. En conséquence, le nombre de bovins de boucherie a diminué de 3 % en 2012 par rapport à l’année précédente. Ce déclin se traduira par des prix plus élevés pour le bœuf à moyen terme, ce qui rendra service aux éleveurs canadiens qui sont en train de reconstituer leurs troupeaux.

Le secteur porcin a fait face à des difficultés similaires. Il est quelque peu surprenant, en consultant le dernier rapport du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA), de constater que les stocks de porcs américains en décembre 2012 n’étaient pas inférieurs à ceux de 2011. Cela laisse supposer que les éleveurs ont bon espoir que le secteur renoue avec la rentabilité. À court terme, les marchés à terme indiquent que les coûts des aliments pour animaux seront stables et que les prix des porcs augmenteront ce printemps, ce qui suppose un retour aux niveaux de rentabilité d’avril 2012.

Étant donné l’incertitude entourant les marchés des cultures, il serait peut-être prudent de bloquer des marges positives. Si des conditions météorologiques défavorables touchaient les États-Unis, l’Australie ou l’Amérique du Sud, les prix des cultures pourraient bondir de nouveau. Il importe de garder à l’esprit que les stocks de céréales n’ont presque jamais été aussi bas par rapport à la demande globale de céréales.

La consommation par habitant de porc et de bœuf au Canada a diminué au cours des 10 dernières années. Étant donné la faible croissance de notre population, le maintien des prix du bétail, qui demeurent assez élevés par rapport à la moyenne quinquennale, dépend nécessairement d’une demande vigoureuse des marchés étrangers.

À plus long terme, la croissance des revenus dans les grandes économies émergentes (comme la Chine) et dans les moins grandes (comme le Vietnam) fait grimper la demande de protéines animales. L’augmentation de la population contribue aussi à la hausse de la demande et les Nations Unies prévoient d’ailleurs que dans l’avenir, les marchés émergents représenteront 97 % de la croissance de la population mondiale.

Compte tenu des liens qui existent entre l’essor des revenus et la demande mondiale de viandes rouges, il est important de surveiller les facteurs qui peuvent influer sur la croissance économique dans les marchés émergents. Et même si les hausses de la demande proviennent essentiellement des marchés émergents, nos industries du bœuf et du porc demeurent tributaires du marché américain. En effet, environ 85 % de toutes nos exportations de bovins et de bœuf sont expédiées chez nos voisins du Sud. Le secteur du porc est tout de même moins tributaire des États-Unis, puisque seulement 38 % de ses exportations sont destinées au marché américain.

Les nouvelles économiques des États-Unis envoient des signaux contradictoires. D’une part, des dispositions législatives empêchent le Trésor des États-Unis d’augmenter la dette nationale au-delà d’un certain niveau appelé plafond de la dette. Et même si le débat sur le plafond de la dette sera sans doute reporté jusqu’en mai, les États-Unis devront discuter de mesures difficiles concernant le déficit au cours des prochaines semaines, ce qui pourrait intensifier la volatilité des marchés.

D’autre part, certains signes sont encourageants. Notamment, le marché de l’habitation aux États-Unis a clairement amorcé une remontée par rapport à l’effondrement de 2008-2009. En outre, les données sur l’emploi s’améliorent régulièrement. Des perspectives économiques plus encourageantes pour les États-Unis en 2013 constituent une nouvelle positive pour les industries canadiennes.

Enfin, les États-Unis doivent modifier leurs exigences en matière d’étiquetage du pays d’origine (EPO) pour se conformer à une décision de l’Organisation mondiale du commerce en défaveur de cette mesure. L’élimination complète de l’EPO serait une excellente nouvelle pour les éleveurs de bovins canadiens parce que l’EPO a des répercussions négatives sur les exportations canadiennes vers les États-Unis. Dans ce contexte, la diversification des marchés d’exportation est importante et les négociations commerciales avec l’Europe pourraient d’ailleurs ouvrir l’accès à ce marché pour le bœuf et le porc canadiens.

De façon générale, les secteurs du bœuf et du porc devront composer avec des prix des aliments pour animaux supérieurs à la normale en 2013. Toutefois, la forte demande étrangère de viandes, la possibilité que l’EPO cesse de s’appliquer aux échanges transfrontaliers et le raffermissement de l’économie américaine sont des signes positifs pour les éleveurs de bétail à moyen terme. Un marché concurrentiel et la volatilité sont susceptibles de produire d’autres gains d’efficience dans la chaîne d’approvisionnement. Ces perspectives positives devraient venir en aide aux éleveurs canadiens résilients.

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