La trombe de poussière des années 1930 évoque des images de chagrin, de souffrance et de désastre économique. Un tel phénomène pourrait-il se produire à nouveau? La recherche effectuée par Thomas Fox, Thomas Barchyn et Chris Hugenholtz de University of Lethbridge montre que les efforts de conservation du sol qui ont été mis en place dans les années 1990 par les agricultrices et agriculteurs ont diminué de façon considérable le risque d’une autre crise comme celle des années 1930.
Les chercheurs ont examiné la fréquence de la poussière en suspension entre 1961 et 2006 à partir de sept stations météorologiques dans les Prairies et ont rapproché les données aux changements apportés à la gestion agricole, comme l’augmentation du semis direct et la réduction de la mise en jachère.
« Il est assez difficile de mesurer les changements sur un territoire, mais nous avons pu montrer une corrélation entre les changements du potentiel de fréquence de la poussière et de l’érosion éolienne grâce aux pratiques agricoles, » explique monsieur Hugenholtz.
Les chercheurs ont analysé la base de données climatiques historiques d’Environnement Canada pour Edmonton, Red Deer, Calgary, Saskatoon, Régina, Brandon et Winnipeg sur une période de 45 ans. Ils ont évalué les dossiers de poussière en suspension et ont formulé une équation sur le potentiel d’une érosion éolienne climatique afin d’uniformiser les conditions environnementales favorables à de tels phénomènes. Ces données environnementales ont été comparées à celles sur les pratiques agricoles du recensement de l’agriculture de Statistique Canada à des intervalles quinquennaux de 1976 à 2006.
L’adoption du semis direct et la réduction de la jachère sont deux pratiques liées à la réduction du potentiel d’érosion éolienne. Le semis direct permet de réduire la préparation du sol, les semences sont insérées dans le sol à travers le chaume sur pied. Ceci réduit l’exposition du sol à l’érosion éolienne.
La pratique de la mise en jachère consiste à ne pas ensemencer au cours d’une saison de culture afin de reconstituer l’humidité du sol. Le travail du sol pendant la saison de jachère laisse le sol plus exposé à l’érosion éolienne, par conséquent la réduction du nombre d’acres mis en jachère diminuera le potentiel de phénomènes de poussière.
Il a été possible d’accéder aux données sur la mise en jachère de 1976 à 2006 et à celles sur le semis direct de 1991 à 2006, mais elles ont été extrapolées sur une période antérieure jusqu’en 1976 à l’aide des données des États-Unis.
En comparant les changements apportés aux pratiques agricoles qui ont permis de protéger le sol contre l’érosion éolienne, les chercheurs ont pu établir une corrélation entre les phénomènes de poussière moins nombreux et les pratiques agricoles.
« Le climat influence la probabilité d’érosion éolienne, mais ce sont principalement les agissements humains sur le territoire qui définissent si cette érosion sera un facteur, » mentionne monsieur Hugenholtz.
Les données d’Environnement Canada montraient que la fréquence de la trombe de poussière a diminué de 1961 à 2006, tout comme le potentiel climatique d’érosion éolienne. Toutefois, les diminutions les plus importantes sont survenues après 1990, lorsque les pratiques de semis direct et de culture sans labour se sont répandues.
Modification des pratiques agricoles
En 1991, l’utilisation du semis direct représentait environ 10 pour cent de la zone cultivée, mais dès 2006, ce semis représentait plus de 60 pour cent de la superficie ensemencée en Saskatchewan. De 1991 à 2006, on remarque une diminution de 40 pour cent du nombre de mise en jachère.
Dans la publication, The Economic, Agronomic and Environmental Impact of No-Till on the Canadian Prairies (l’impact économique, agronomique et environnemental de la culture sans labour des Prairies canadiennes) éditée par l’organisme Alberta Reduced Tillage Linkages, le tableau 1 montre l’augmentation importante de la culture sans labour selon les données de Statistique Canada. La culture sans labour, tout comme le semis direct, insère les semences directement dans le sol sans aucun travail préalable du sol. Habituellement, moins de dix pour cent du sol sont perturbés au cours des semis.
Le rapport, une collaboration de messieurs Mirza N. Baig de Consulting Options à Edmonton et Peter Gamache, ancien chef d’équipe de RTL également à Edmonton, repose sur la recherche évaluée par les pairs, et est l’un des legs de RTL qui a cessé ses activités en août 2009.
Monsieur Hugenholtz dit que l’importante réduction des phénomènes de poussière après 1990 est révélatrice du changement dans les pratiques agricoles sur l’ensemble des Prairies, un seuil a été atteint où les efforts de conservation du sol ont eu un impact sur de tels phénomènes. À ce seuil, les phénomènes de poussière sont plus directement attribuables à la probabilité d’érosion climatique où seules des conditions climatiques extrêmes produisent ces phénomènes.
« Dans l’ensemble, nos résultats indiquent que les initiatives de conservation du sol ont eu un impact sur la réduction de la poussière en suspension dans les Prairies canadiennes, » explique monsieur Hugenholtz. Les résultats complets ont été publiés dans Environmental Research Letters 7 (2012) http://iopscience.iop.org/1748-9326/7/1/014008/article.