C’était une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser.
Il y a deux ans, Kevin Sich, de Rahr Malting Canada, a téléphoné à six producteurs de l’Alberta pour leur présenter toute une offre : un contrat de production d’orge à malt d’une durée de trois ans comprenant un prix supérieur garanti, une protection contre toute hausse du coût des intrants et la possibilité de s’allier avec l’une des brasseries les plus florissantes aux États-Unis.
Nous n’avons pas hésité à accepter l’offre, raconte Brent McBean, l’un des six premiers producteurs du Chinook Arch Barley Grower Program (programme à l’intention des producteurs d’orge), qui en compte maintenant douze.
« Ce fut une chance inouïe et, croyez-moi, je me considère très privilégié d’avoir été invité par Kevin pour participer à ce programme », souligne le producteur de la région de Strathmore.
« Nous avons de solides relations avec Rahr et maintenant, on nous offre la possibilité de nouer des relations avec l’utilisateur final de notre malt. C’est le volet que je trouve très stimulant. »
Le mot « relations » est fréquemment utilisé par les producteurs du programme d’approvisionnement de la brasserie Lagunitas Brewing Company établie en Californie, laquelle est passée d’une entreprise en démarrage pour se hisser au cinquième rang parmi les brasseurs artisanaux aux États-Unis (13e rang parmi tous les brasseurs – artisanaux et non artisanaux), et ce, en l’espace de dix ans seulement. Cette brasserie, qui possède une entente semblable avec ses producteurs de houblon, souhaitait faire de même avec des producteurs d’orge à malt après l’abolition du monopole exercé par la Commission canadienne du blé sur les exportations d’orge.
Kevin Sich, directeur de la division Céréales chez Rahr Canada, était chargé de faire les invitations.
« Nous voulions des producteurs qui étaient prêts à s’engager à long terme et qui avaient cultivé avec succès de l’orge à malt, dit-il. Lorsqu’il est question de culture d’orge à malt, ces gars-là sont des valeurs sûres. »
Ici, le mot clé est engagé. M. Sich souligne que cette caractéristique est commune aux producteurs avec qui il fait affaire et que sa plus grande crainte était que le nombre d’excellents producteurs dépasse le nombre de places offertes par le programme.
« Lorsque j’assiste à une réunion de producteurs et que je mentionne que nous avons une nouvelle variété et que nous souhaitons faire des essais, de trente à quarante mains se lèvent automatiquement », dit-il.
« Les producteurs disent : Nous allons acheter les semences, aller les chercher où vous voulez et nous occuper de la culture. Voilà qui illustre bien le genre de relations que nous avons. »
Le fait d’avoir l’occasion d’essayer des choses nouvelles et d’apprendre est vraiment ce qui rend l’entente avec Lagunitas exceptionnelle, précise Tyler Schultz, qui cultive environ 1 200 acres d’orge à malt sur la ferme familiale située près de Camrose.
« Espérons que, lorsque de nouvelles occasions se présenteront, que ce soit de nouvelles variétés ou de nouveaux programmes, nous serons les premiers à avoir la chance d’y participer », mentionne le producteur âgé de 31 ans.
« C’est également une question de confiance et de compréhension mutuelles. Nous avons tous besoin de réaliser un bénéfice, mais lorsque vous vous comprenez mutuellement, vous êtes en mesure de trouver des façons d’ajouter de la valeur. »
C’est un point de vue que partage Brent McBean, âgé de 49 ans. Pendant les 18 années au cours desquelles il a approvisionné Rahr Malting Canada, il a cultivé « pratiquement toutes les nouvelles variétés qui sortaient » et a participé avec engouement à des projets pilotes tels que des programmes de traçabilité et des programmes spéciaux à l’intention de brasseurs spécifiques.
« Je n’ai jamais aimé être un simple producteur de marchandises de base, dit-il. Je suis ravi de connaître l’utilisateur final de mon produit et de savoir que je cultive quelque chose pour quelqu’un. »
M. McBean a été invité à la malterie de Rahr Malting Canada située à Alix, dans le centre de l’Alberta, où on lui a expliqué de quelle façon on transformait sa céréale et de quelle façon ses caractéristiques spécifiques influençaient le processus de maltage et la qualité du produit final.
« J’en sais probablement trop sur leur entreprise, raconte M. McBean en riant. Mais nous sommes des partenaires. Nous sommes mutuellement ouverts et honnêtes et c’est un avantage pour les deux. »
« Nous considérons les producteurs qui nous approvisionnent comme nos clients, tout comme le sont les brasseurs, ajoute M. Sich. Nous travaillons avec eux, nous leur faisons énormément confiance et ils nous le rendent bien. »
On observe la même chose du côté de Lagunitas. Chaque année, l’entreprise invite les producteurs d’orge à malt à sa brasserie située au nord de San Francisco, et le propriétaire de l’entreprise, Tony Magee (gazouilleur prolifique et défenseur de la « démarchandisation ») est fier de vanter les relations que son entreprise entretient avec eux.
« Ce genre de relations n’existe pas partout, fait observer M. McBean. Nouer des relations avec une multinationale est un exercice assez ardu; vous devez donc chercher. C’est un peu comme chercher une personne avec qui sortir : trouver la bonne personne peut être difficile. Vous devez trouver quelqu’un qui acceptera d’entretenir des relations et qui en appréciera la valeur. »
Voilà qui peut sembler sentimental, mais c’est une façon intelligente de faire des affaires, explique Tyler Schultz.
« Je dirais que le groupe est animé de l’esprit d’entreprise, dit-il. Les membres veulent essayer de nouvelles choses parce qu’ils ont une vision à long terme et qu’ils sont prêts à saisir les occasions. Ces occasions ne seront peut-être pas rentables à court terme, mais si vous développez de bonnes relations, elles pourraient le devenir à long terme. »
Brent McBean ajoute que l’attitude est primordiale.
« Vous devez investir du temps, vous devez vous faire connaître, connaître vos forces de même que ce que vous avez à offrir, conclut-il.
« Des occasions, il y en a partout. Mais tout est une question de relations. C’est la clé. »