Si vous voulez connaître les désavantages du partage de machinerie, Chad Krikau peut énumérer quelques exemples, mais la liste est plutôt courte.

Par contre, les avantages sont considérables et ont permis au jeune producteur saskatchewanais âgé de 35 ans de réaliser son rêve de pratiquer l’agriculture à temps plein.

« Tout a commencé assez simplement : j’échangeais du temps contre l’utilisation de machinerie afin de pouvoir mettre mes récoltes en silo », raconte Chad Krikau qui, avec sa conjointe Darlene, a remporté le prix provincial du Concours des jeunes agriculteurs d’élite du Canada.

« À l’époque, je crois que ni Elmer ni moi savions où cela allait mener. Mais grâce à cette collaboration, des occasions se sont présentées et nous avons pu faire croître nos fermes respectives. »

Elmer, c’est Elmer Enns, un producteur de céréales de Rosthern, située à environ 70 kilomètres au nord de Saskatoon. En 2005, M. Enns était un client de Chad qui, par la suite, a occupé un poste d’agronome à temps plein pour Wendland Ag Services.

« Un jour, j’étais dans le bureau d’Elmer et il m’a demandé si je connaissais quelqu’un qui pourrais l’aider à faire ses récoltes. Je me suis dit : Ma foi, je pourrais peut-être lui proposer quelque chose. Et c’est ainsi que l’aventure a débuté », raconte Chad.

Chad a commencé à faire de l’agriculture comme activité d’appoint il y a dix ans, en louant 110 acres auprès de son père. Petit à petit, il a fait l’acquisition de ses propres terres et d’une moissonneuse-batteuse, tout en continuant d’utiliser la machinerie de son père. Toutefois, Elmer Enns ainsi que son voisin et partenaire Jim Flath achetaient la toute dernière technologie et leur approche progressive portait ses fruits.

« J’ai observé de nombreuses fermes et elles obtenaient effectivement des rendements supérieurs à la moyenne, raconte Chad. C’est pourquoi je voulais travailler avec Elmer et Jim. »

Elmer Enns et Jim Flath ont également aimé ce qu’ils ont observé chez Chad.

« Nous étions à même de constater qu’il ferait un excellent agriculteur; il ne lui manquait que des capitaux propres, explique M. Enns, âgé de 59 ans. Lorsqu’il visitait nos champs, il s’intéressait à la croissance des plantes et aux moyens à prendre pour qu’elles atteignent leur plein potentiel. Il passait beaucoup de temps à chercher des solutions à des problèmes. De toute évidence, c’était plus qu’une simple question d’argent pour lui. »

Le patron de Chad, qui savait que ce dernier caressait le rêve de se lancer en agriculture à temps plein, lui a permis de diminuer ses heures de travail à mesure que sa ferme prenait de l’expansion. Stream Stick Farms est donc passée de 530 acres en 2007, à 1 060 acres en 2009 et à 1 650 acres en 2011. Chad avait également commencé à monter sa propre flotte de machinerie agricole, tout en continuant de compter sur l’utilisation de la machinerie de ses partenaires pour les semences et les récoltes. Par contre, il y a eu des périodes où les deux producteurs voulaient utiliser la même machinerie au même moment.

« Je dois admettre qu’ils étaient équitables, souligne Chad. S’ils avaient de l’orge à malt sur le champ, ils s’en occupaient d’abord même si mon blé était prêt à récolter et qu’on annonçait de la pluie. Mais je ne passais pas toujours en dernier. Il y avait une rotation. »

Il y a eu une année où, en raison de la récolte de l’orge à malt d’abord, un quart de section d’avoine de Chad a été laissé dans les champs pendant quelques jours supplémentaires, entraînant une diminution de la qualité et du prix de vente. En 2010, il y a eu la période printanière où il a dû utiliser le tracteur de M. Enns pour tirer son semoir.

« Nous traversions une année pluvieuse et Elmer avait besoin de son tracteur pour herser juste avant de semer, se souvient Chad. Un jour de mai, il m’a téléphoné et bien qu’il n’ait pas demandé directement à récupérer son tracteur, j’ai senti dans sa voie qu’il aurait bien aimé le faire. »

« J’ai donc téléphoné à quelqu’un que je connaissais chez John Deere pour lui demander ce qu’il avait dans sa cour et j’ai acheté un tracteur à quatre roues motrices au téléphone, ce qui peut sembler osé compte tenu de l’importance de l’investissement. »

La liste des inconvénients se termine ici (et le tracteur s’est révélé un bon investissement).

Les avantages? Chad faisait croître sa ferme, se familiarisait avec la toute dernière technologie et, tout comme ses partenaires, il enregistrait des rendements supérieurs à la moyenne. Mais une bonne affaire était sur le point de se transformer en une excellente affaire.

En 2012, un agriculteur voisin dans la septantaine (70 ans) était prêt à prendre sa retraite et à déménager en ville.

« Il possédait quelques-unes des plus belles terres de la région et tous les grands joueurs avaient pratiquement leur carnet de chèques en main et étaient prêts à acheter », se souvient Chad.

Cet agriculteur avait approché M. Enns, en partie parce qu’il admirait ses habiletés, mais aussi parce qu’il avait une demande spéciale à faire : il voulait vendre sa ferme et sa maison à jeune agriculteur.

« Ils avaient tout bâti eux-mêmes et ils souhaitaient qu’une jeune famille s’y installe et s’en occupe, explique Chad. C’était parfait pour nous puisque nous habitions la ville à l’époque. Mais je ne crois pas que cette occasion se serait présentée si Elmer n’avait pas été là. »

En plus d’une nouvelle maison pour la famille (Chad, Darlene et leurs enfants, Liam et Kalyna), 1 000 acres ont été ajoutés à Stream Stick Farms. Ce fut aussi une bonne affaire pour les partenaires de Chad. En divisant les superficies, ils ont pu augmenter la superficie totale de leurs exploitations à 9 000 acres et optimiser leur machinerie.

Il va sans dire que Chad, qui consacre maintenant 90 % de son temps à l’agriculture et qui est un fervent amateur du partage de machinerie, a deux petits conseils à donner à ceux qui y réfléchissent.

de faire le plein du tracteur avant de le retourner et que, en novembre, vous pensez encore à ces 50 litres de carburant, le partage de machinerie n’est peut-être pas pour vous. »

Ce n’est pas que les partenaires ne se préoccupent pas de l’argent. Par exemple, ils utilisent un guide provincial sur la location de machinerie agricole pour fixer les frais que Chad paierait pour sa main-d’œuvre. Mais l’idée est que chacun en tire profit.

« Nous ne nous sommes donc jamais inquiétés de l’aspect monétaire et il y avait toujours de la place pour les concessions mutuelles », dit-il.

Chad ajoute même que « l’aspect monétaire est pratiquement secondaire ».

« Vous devez avoir les mêmes objectifs que votre partenaire, c’est-à-dire les mêmes objectifs en ce qui concerne la façon de cultiver une culture et de diriger une entreprise ainsi que les mêmes objectifs en ce qui concerne la famille. Dans un sens, c’est très compliqué étant donné que c’est vraiment une question de relations. Je dirais que c’est davantage une question de vouloir former un partenariat avec cette personne. »

Son partenaire est parfaitement d’accord.

« Il est toujours possible de réaliser l’aspect monétaire, ajoute M. Enns. La principale chose est d’être capable de travailler ensemble, de veiller à ce que chacun tire des avantages et d’être capable de voir les choses du point de vue de l’autre. Bien des partenariats échouent tout simplement parce que les gens poursuivent des objectifs différents. À long terme, ces différences peuvent générer du stress. »