Avant d’amorcer le processus de la planification de la relève, Kevin Olson était pratiquement passé maître dans l’art de l’éviter.

« Le plus difficile, c’est de commencer », confie l’agriculteur de 50 ans, qui vit à Plenty, en Saskatchewan. C’est facile d’aborder le sujet de façon générale, puis vous retournez rapidement à la réparation d’un équipement ou à une autre tâche. C’est assez facile de pratiquer l’agriculture sans jamais aborder le sujet. »

« C’était la norme chez les générations précédentes et c’est probablement encore la même chose pour un grand nombre de fermes. On se fait rassurant en disant : Ne t’inquiète pas, la ferme te reviendra un jour. »

Kevin Olson savait que cette attitude n’était plus admissible, et à mesure que ses trois enfants grandissaient, le sentiment de culpabilité de ne pas avoir de plan de relève grandissait aussi. Il s’est finalement attelé à la tâche il y a deux ans, après avoir suivi quelques ateliers sur la planification de la relève.

« Il n’y a rien d’étonnant dans ce que nous faisons, dit-il. Nous mettons simplement certaines choses en place. »

En fait, M. Olson indique que lui et sa conjointe Patsy ont élaboré une « grille » plutôt qu’un plan directeur. C’est tout simplement la nature du processus, précise-t-il.

« Il est très rare, peu importe la situation, qu’une personne dira : Bon, voici comment je vais raconter l’histoire du reste de ma vie, dit-il. Ces choses surviennent une étape à la fois. »

Bien que les détails de l’histoire de Kevin Olson soient uniques, son approche « une étape à la fois » en est une qui pourrait convenir à de nombreuses familles agricoles. Il peut également formuler quelques conseils à partir de son expérience des deux dernières années.

Kevin Olson et ses deux frères, Daryl et Bill, cultivent 11 000 acres près de Plenty, qui se trouve à environ 170 kilomètres à l’ouest de Saskatoon. Bien qu’ils soient copropriétaires de l’équipement et qu’ils exploitent sous une entreprise agricole unique, les trois frères possèdent et louent chacun un tiers des superficies, ont leur propre cour, commercialisent leurs propres céréales et produisent des déclarations de revenus individuelles.

« Nous faisons de l’agriculture ensemble depuis près de 30 ans et nos relations sont bonnes, indique M. Olson. Mais nos arrangements sont strictement verbaux. Qu’arriverait-il advenant un problème de santé ou autre? J’ai deux fils qui souhaitent pratiquer l’agriculture et une fille qui, présentement en onzième année, pourrait aussi être intéressée. Je voulais donc avoir quelques plans en place. La situation continue d’évoluer, mais nous avons au moins une base. »

La situation a inspiré le premier conseil de M. Olson : en ce qui concerne la planification de la relève, le plus important stéréotype est celui du père peu communicatif, mais il ne faut pas oublier que c’est également difficile pour les enfants d’aborder le sujet de la relève.

Braden, le fils aîné âgé de 21 ans, projette de travailler à temps plein pour un détaillant d’intrants agricoles indépendant de la région et de s’adonner à l’agriculture après les heures de travail lorsqu’il aura obtenu son diplôme en agronomie le printemps prochain. Son frère Cameron, qui vient de terminer ses études secondaires, souhaite aussi pratiquer l’agriculture, mais il vient tout juste d’entreprendre sa formation d’apprenti électricien. Sa sœur Brittany réfléchit encore à ce qu’elle aimerait faire plus tard.

« Nous avons parlé de transférer les droits de propriété aux enfants dans dix ans lorsqu’ils seront en charge du volet financier. Je serai alors semi-retraité, je passerai mes étés au chalet et je travaillerai pour eux pendant la période des semences et des récoltes », raconte M. Olson.

« Ce sont de bien beaux projets, mais lorsque vous vous assoyez autour de la table et que commencez à examiner les détails, comme l’assurance et l’achat de parts dans l’entreprise, c’est une autre histoire. Pour un jeune, cinq ans c’est loin. Il y a donc beaucoup de « Je ne sais pas. Peut-être. Ah, mais voyons Papa. »

Voici donc son deuxième conseil : acceptez le fait qu’il est possible que vos enfants changent d’idée concernant la pratique de l’agriculture.

« Quand j’étais jeune, j’avais hâte de conduire la moissonneuse-batteuse, d’ensemencer au printemps, raconte M. Olson. Ce n’est que plus tard que j’ai découvert le stress lié au fait de devoir investir beaucoup d’argent tout au long de l’année et attendre à la fin de l’année pour toucher des revenus. »

C’est la raison pour laquelle il encourage ses fils à travailler à l’extérieur de la ferme et à acquérir quelques superficies afin d’expérimenter, à petite échelle, les deux côtés de l’agriculture. Quant à lui, il continuera d’exploiter sa ferme en supposant que ses deux fils seront intéressés à prendre la relève, tout en étant conscient que la situation pourrait changer.

C’est impossible de prévoir l’avenir avec certitude. Dans cinq ans, le contexte agricole se sera peut-être considérablement détérioré et les jeunes diront : Finalement Papa, je ne sais pas si je vais reprendre la ferme. »

Toutefois, ce n’est pas une excuse pour repousser la planification de la relève. Son troisième conseil est le suivant : si votre plan nécessite de l’assurance, faites vos recherches et agissez. M. Olson a récemment contracté une police assurance équivalant à la part d’héritage d’un enfant, ce qui permettrait aux deux autres de se lancer en agriculture sans avoir à emprunter des sommes considérables.

« L’assurance coûte cher, et il y a aussi les primes qui augmentent de façon exponentielle. Nous savions donc qu’il fallait prendre une décision à ce sujet, dit-il. Vous ne voulez pas attendre d’avoir 64 ans et d’avoir surmonté un problème de santé. »

Il a également travaillé avec un comptable et un conseiller financier pour déterminer certaines mesures très spécifiques, telles que le moment où lui et Patsy vont « geler » leur droit de propriété dans l’entreprise agricole (ce qui permettra à la relève de capter la valeur de la croissance future de l’entreprise). Ces décisions du genre fondées sur diverses hypothèses, allant des taux d’imposition à la valeur future de l’actif agricole et des revenus tirés de l’agriculture, doivent être revues régulièrement.

Il est donc essentiel d’avoir en main des chiffres pertinents, ajoute-t-il.

« Tout commence avec un plan financier. Ensuite, on peut parler aux enfants, dit-il. Avant, on abordait le sujet de façon générale : Aimeriez-vous vous lancer en agriculture? D’accord, tu veux faire de l’agriculture. Alors quand voudrais-tu prendre la relève? Mais ces questions ne vous mènent pas très loin. Vous ne pouvez pas établir un plan de match sans avoir de chiffres. »

Pour disposer des chiffres pertinents, vous avez besoin des conseils d’experts. M. Olson mentionne que le programme « Cultivons l’avenir » offre de l’aide en matière de planification de la relève. Quant à lui, il a choisi de recourir à trois conseillers financiers proposés par son conseiller en placements, et ce, sans frais étant donné que ce volet était compris dans l’offre de service. Le plan financier comprend des hypothèses prudentes concernant, par exemple, les revenus futurs et la valeur des actifs, le revenu dont lui et Patsy auront besoin pour vivre et le délai pour retirer ces fonds de l’entreprise agricole. (La plupart des planificateurs financiers dressent deux ou trois scénarios fondés sur différents niveaux de revenu de retraite.)

« L’une des choses que je voulais absolument savoir était à quel moment je pourrais prendre ma retraite, mentionne M. Olson. Jusqu’à ce que vous déterminiez ce moment, vous ne savez pas vraiment ce que vous offrez aux enfants, c’est-à-dire, allez-vous leur laisser une entreprise vraiment prospère ou une montagne de dettes? »

Bien que la planification financière ne lui ait rien coûté, il a fait appel aux services d’un avocat et d’un comptable. Voici d’ailleurs un autre conseil : inclure plus d’un professionnel vaut le coût. De cette façon, vous obtenez différents points de vue sur des questions complexes, comme la détermination des besoins d’assurance.

Les deux années qu’il a consacrées au processus lui ont fait prendre conscience que la liste des choses à faire est longue. À quel moment devrait-on cesser de rémunérer les enfants comme des employés et les rémunérer avec des parts dans l’entreprise? De quelle façon les mariages modifieront-ils l’équation?

Sa conclusion? La planification de la relève est un long processus. Vous devez vous y faire.

« Ce n’est pas comme prendre une grande décision et puis c’est terminé. Il y a toujours d’autres points à régler. »